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Pourquoi les publicitaires en ligne commencent à s’inquiéter du Private Relay, d’Apple

A en croire Digiday, site spécialisé dans l’actualité de la publicité et des médias numériques, le monde de la publicité s’inquiète de l’arrivée de la fonction Private Relay à l’automne prochain. Non pas tant dans l’immédiat, mais pour ce qu’elle représente d’intentions et de changements à venir.

En introduisant App Tracking Transparency (ATT) au printemps dernier, Apple a fortement inquiété et secoué le petit monde de la publicité en ligne. De fait, la fonction qui permet aux utilisateurs de demander à ne pas être trackés par une application aurait déjà des effets sur le comportement des publicitaires et sur leurs investissements. Selon des études rapportées par le Wall Street Journal cette semaine, les dépenses publicitaires pour Android auraient crû de 46 à 64% entre mai et juin, tandis que du côté d’iOS les investissements publicitaires seraient passés de 42 à 25% pour la même période.

Private Relay, une nouvelle pierre dans le jardin du tracking

Le monde de la publicité s’adapte, et se tourne vers Android, qui est un marché réputé moins juteux que celui d’iOS. Mais le monde du marketing en ligne n’est pas au bout de ses peines. Lors de la dernière WWDC, sa conférence destinée aux développeurs, Apple a introduit un nouvel outil destiné à protéger davantage encore certains de ses utilisateurs de la tendance des publicitaires en ligne à les tracker, à établir des profils afin de mieux cibler les publicités.
La fonction Private Relay, qui sera lancée à l’automne et sera intégrée à l’offre iCloud+, permet en effet d’ajouter une nouvelle couche de protection contre le fingerprinting, cette méthode qui permet en croisant des informations recueillies sur votre appareil et vos habitudes de vous identifier et de vous suivre de site en site, de service en service.

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Une solution encore limitée…

Une fois lancé Private Relay ne sera pas disponible pour tous les utilisateurs d’appareils Apple. Il faudra pour en bénéficier s’acquitter d’un abonnement iCloud – par exemple, si vous payez pour bénéficier de plus de 5 Go de stockage. L’impact de ce service devrait être diffus. Néanmoins, à en croire un article de Digiday, les publicitaires ne s’en réjouissent qu’à moitié.

Certains professionnels du secteur interviewés reconnaissent en effet les limites de ce service pour l’instant. En nombre d’utilisateurs d’une part, mais aussi techniquement. Comme nous vous l’expliquions en juin dernier, Private Relay s’intéresse surtout au trafic Web. Il laisse donc de côté massivement les applications – couvertes, il est vrai par l’ATT. Néanmoins, les flux http générés par les applications ne sont pas concernés par l’App Tracking Transparency, et peuvent donc permettre un peu de tracking. Sur ce point, le Private Relay interviendra partiellement puisqu’il pourra chiffrer et rendre intraçables les connexions non protégées. Tout n’est donc pas encore verrouillé, et les publicitaires ont encore une marge ténue.

… qui initie néanmoins un changement

Mais, selon Digiday, le petit monde de la pub en ligne s’inquiète toutefois. Il pense en effet qu’Apple n’en est qu’à son galop d’essai et avance ses pions en douceur pour ne pas risquer de s’attirer les foudres de régulateurs, ou du marché. Cependant, comme semblent le prouver les outils déployés de manière successive, Apple a un projet sur le long terme. Le Private Relay tel qu’il a été dévoilé n’est qu’une étape. C’est ce qui préoccupe les publicitaires. « Nous percevons [Private Relay] comme un précurseur des solutions techniques bienvenues qu’Apple utilisera pour briser le fingerprinting », avançait ainsi une des sources de Digiday.

Evidemment, il y a encore des failles dans Private Relay qui permettent l’exploitation des données des utilisateurs et leur tracking. Ainsi, le fait que Private Relay ne s’intéresse pour l’heure qu’aux connexions non sécurisées établies par les applications permettra encore aux SDK et autres outils des opérateurs de publicité d’utiliser des connexions sécurisées pour récupérer des informations ou récolter l’adresse IP, comme base de fingerprinting. Il est alors fort possible qu’après des années de laisser-faire général, une sorte de jeu du chat et de la souris se mettent en place entre Apple et le monde de la pub en ligne.

A l’heure actuelle, il existe déjà des outils de mesures, de suivi et d’attribution, qui contournent les exigences d’Apple sur le traçage des utilisateurs. Mais Apple pourrait bien durcir peu à peu le ton, placer la barre de plus en plus haut et compliquer la tâche des trackers publicitaires. Reste à savoir comment les choses évolueront.
Car, cette protection et ce contrôle de chaque application est pour l’instant possible uniquement parce que l’App Store est la seule porte d’entrée réelle sur les iPhone et les iPad. La situation pourrait changer prochainement si la justice ou les régulateurs ont leur mot à dire. Apple va devoir continuer à avancer, à donner la preuve de sa bonne foi, de ses bonnes intentions et de sa volonté de traiter tous les acteurs de manière égale, lui y compris. Ainsi, seulement pourra-t-il éviter les accusations d’abus de position dominante, ou celles qui le voient servir ses intérêts. Ainsi seulement pourra-t-il être supporté totalement par ses utilisateurs.
En s’attaquant aux bases du modèle économique du Web et d’une partie du monde des applis, qu’il a contribué à ériger, Apple bouleverse tout un secteur. Pour l’instant les secousses sont ténues, mais le tremblement de terre pourrait bien être d’une amplitude incroyable, et ses répercussions durables.

Sources : Digiday, Wall Street Journal

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Pierre FONTAINE